Page:Variétés Tome VIII.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confié lui avoit toujours fait croire qu’il étoit d’une naissance plus distinguée qu’il ne paroissoit. Il est certain qu’Henri IV l’aimoit et lui en donnoit des preuves. Dans le Poitou on tient par tradition qu’il se mêloit d’astrologie judiciaire2 ; on en raconte plusieurs faits singuliers, entre autres de s’être vanté en Béarn d’avoir annoncé la mort d’Henri IV le jour même qu’elle arriva3.

Ce seigneur Agrippa d’Aubigné fut marié à Niort. Là il vecut fort petitement et presque dans l’obscurité. Il eut un fils ; ce fils fut père de Mme de Maintenon et du marquis d’Aubigné, père de Mme de


2. Lui-même avoue qu’il s’étoit, fort jeune encore, occupé des sciences occultes, mais avec dessein de ne s’en jamais servir, « et, dit-il, s’amuser aux théoriques de la magie, protestant pourtant de n’essayer aucun experiment ». (Mémoires de Théod. Agrippa d’Aubigné, édit. Ludov. Lalanne, p. 13.)

3. D’Aubigné se trouvoit à Paris lorsque Jean Chastel fit son attentat contre Henri IV. Un jour que celui-ci lui montroit sa lèvre entamée par le couteau de l’assassin : « Sire, lui dit-il, vous n’avez encore renoncé Dieu que des lèvres, il s’est contenté de les percer ; mais quand vous renoncerez du cœur, il percera le cœur. » Tout le monde admira le mot, et d’Aubigné plus qu’aucun ; il crut franchement avoir fait une prédiction. Quand la nouvelle de la mort du roi lui arriva, comme on assuroit que le « coup estoit à la gorge, il dit devant plusieurs, qui estoient accourus en sa chambre avec le messager, que ce n’estoit point à la gorge, mais au cœur, estant assuré de n’avoir menty. » (Id., p. 94, 114.) Je ne sache pas qu’il ait fait d’autre prédiction de cet événement.