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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/150

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réseau de végétations, rougeoyaient. Tassés au bord du quai, les voyageurs ouvraient de grands yeux et se grattaient en silence.

La Xénobie avait envahi les voies, Mais ce n’était plus, comme le matin à « Villiers », une offensive timide ; une véhémente poussée de la création extraterrestre développait sur les rails un lichen aux bataillons agressifs, un revêtement d’un rouge violacé, hérissé de pointes, comme une cristallisation géante. À la voûte, sur les deux fils de trolley et sur les trois câbles « feeders », pendaient des paquets de stalactites branchues. Çà et là, de ces masses végétantes, de nouveaux prolongements, gros comme le pouce et longs comme la main, surgissaient à vue d’œil, se développant tels que les tubes d’une lorgnette qu’on tire… ou mieux, tels que ces baudruches de carnaval dans lesquelles on souffle. Et au bout d’un instant, à la pointe de ce bras se gonflait une bulle d’un rouge sang, qui éclatait avec le bruit d’un pistolet d’enfant, en projetant sa poussière de spores.

Ce spectacle nous hypnotisait tous. Pas un mot ne fut prononcé pendant les quatre ou cinq minutes que la rame se fit attendre. À la fin elle arriva en sifflant. Elle soulevait un nuage de poussière, en écrasant avec un fracas sec les végétations des rails. L’avant de la motrice était balafré et maculé de rouge, comme si elle venait de se frayer passage à travers un abattoir. Des traces obliques de même nature striaient les parois des wagons.