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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/275

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et de se bien couvrir. Quant aux malades et aux personnes délicates, qui ont besoin de chaleur, on aura soin de les transporter dans une autre chambre déjà stérilisée par le froid, pour pouvoir aérer la leur… »

Les exclamations joyeuses se croisaient, devant l’affiche. Enfin ! la délivrance ! Ah, certes ! personne n’y manquerait, aux recommandations de l’affiche. Et l’on veillerait à ce que les voisins les observent. Trop heureux d’avoir froid, si cette gelée providentielle se réalise et que l’on échappe ainsi au cauchemar, sans être obligé de recourir aux grands remèdes et d’évacuer Paris !… Et l’on hua un mauvais citoyen qui osait prétendre que cette histoire de gelée n’était qu’une manœuvre gouvernementale, un truc pour faire se tenir tranquilles les citoyens…

Pour moi, gelée ou non, cela m’indifférait. La vraie délivrance, c’était la venue d’Aurore ; il suffirait de sa présence pour que tout fût pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

La tombée de la nuit me surprit devant le Jardin des Plantes. Ce Paris mal éclairé, où le déploiement policier et militaire prenait un relief sinistre, contrariait mes anticipations de joie. Je souhaitai le refuge de mon atelier, où rêver à mon aise, et dormir. Car je me sentais tout à coup fourbu, et le résultat ne manquerait pas, que j’avais cherché à obtenir par la marche : dissiper la trépidation de l’attente, m’étourdir de fatigue, arriver à demain dans l’oubli du sommeil…