Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/79

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des spécimens des végétations nés dans le laboratoire du docteur.

Cette diversion nous éloigna du sujet brûlant. Il continuait de nous préoccuper ; mais d’un accord tacite il n’en fut plus question pour le moment.

Pendant le déjeuner… au restaurant Pascal : des huîtres, une somptueuse bouillabaisse, arrosées de vin blanc de Cassis… et d’un vieux châteauneuf-des-papes… un point de protocole fut définitivement réglé. Une fois de plus, je venais de l’appeler « Aurore » tout court, quand je la vis froncer le sourcil. Je me troublai.

— Excusez-moi ; je croyais que vous m’aviez permis…

— Oui, oui. Mais c’est à cause des gens qui pourraient entendre. Aurore… Non, Dites Aurette, plutôt. C’est ainsi que m’appelaient mes camarades à l’Université.

Je respirai. Mais le « camarades » me gâta un peu mon plaisir ; cette appellation familière, elle ne m’en faisait pas un privilège spécial. Je m’offris sournoisement une petite compensation.

— Aurette, bon, et pas Aurore. Mais moi, à l’École des Beaux-Arts, on me disait Gaston, et pas Delvart.

— Gaston ? Oui, c’est mieux. Je n’y pensais pas.

Allons, il y a progrès. Si elle me considère toujours comme un simple camarade, elle me laisse du moins l’illusion d’une intimité plus tendre.

Quant à l’exigence qu’elle eut, de régler elle-même sa moitié de l’addition, et un peu plus tard, à la gare,