Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/102

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cimetières aussi grands que des villes ; des statues, des tableaux, des tentures, des incrustations, des mosaïques, des meubles assez grands, assez nombreux, assez riches, pour orner des provinces entières. Ce vaste développement et ses conséquences, voilà l’art des Romains. Et ce qui peut, entre tant d’autres considérations, donner l’idée de leur puissance, c’est non seulement ce qu’ils absorbèrent pour l’orgueil de Rome, mais tout ce qu’ils firent refluer au loin pour l’orgueil de l’empire. Le peuple romain, voulant partout se trouver chez lui, exigeait, dans toutes ses entreprises chez les peuples subjugués, la même abondance et la même majesté ; ce qui fait qu’aujourd’hui, suivant la durée et la tranquillité de son occupation guerrière, on retrouve partout, après deux mille ans, les mêmes traces de sa volonté et de sa puissance ; partout, depuis les ruines de la lourde muraille qui sépare l’Angleterre de l’Ecosse, jusqu’aux ruines élégantes de Balbeck, d’Antioche et de Palmyre.

Mais, cette volonté et cette puissance du peuple romain n’émanait pas d’un sentiment vif de l’art, ni d’une profonde intelligence de ses limites et de son objet. Son enthousiasme artistique, malgré son énergie apparente, n’avait aucune vie réelle. Ce n’était chez lui qu’une affaire d’arrogance et d’ostentation. Incapable par l’excès de la puissance, par le dégoût qu’il donne, par la dépravation qu’il amène, d’assigner aux choses leur juste prix, sa magnificence lui tint lieu de goût, et son estime pour les arts ne fut qu’un amour grossier de la possession et