Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/199

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civilisation antérieure des Égyptiens, des Étrusques, des Syriens. Cette erreur où étaient les Grecs a-t-elle pu beaucoup leur nuire ? Nous sommes loin d’eux pour le pouvoir bien apprécier ; cependant nous sommes portés à le croire, parce que l’erreur rarement est indifférente ; mais, quant à la prévention analogue des modernes, et à la fâcheuse influence qu’a pu exercer sur eux cette prévention, nous osons l’affirmer. En effet, les preuves débordent.

Avant d’aller plus loin, voyons tout ce que le préjugé que nous signalons présente de pénible et de repoussant. L’art, a-t-on dit, était anéanti en Europe ; l’architecture, la sculpture et la peinture y étaient mortes. On ne construisait plus d’édifices, on ne sculptait plus de statues avant les premiers essais des deux Pisans. On ne faisait plus de tableaux quand Cimabue et Giunta en montrèrent qui furent portés en triomphe et imités à l’envi par leurs successeurs. Mais combien de temps a donc duré cette disparition de l’art ? Depuis Constantin jusque peu avant le premier Médicis, dans toute cette période qu’occupent la ruine de l’empire Romain, les invasions des barbares, les déchirements des hérésies, le feu des guerres féodales, et les querelles des Allemands et des papes. Est-ce bien vrai ? A-t-on pensé que cette période ainsi décrite embrasse plus de mille ans ? A-t-on pensé à tout ce que l’Europe a montré d’énergie et de vitalité pendant ce temps, et surtout l’Italie si héroïque et si intelligente alors ? A-t-on pensé que cette malheureuse Italie, qu’on ca-