Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/208

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chesses et ses produits ? Était-ce pour des champs en friche, pour des huttes misérables, pour de sordides vêtements, pour des ustensiles et des meubles grossiers, que ces hommes du Nord se livraient de si rudes combats et s’exterminaient entre eux ? Non, assurément. Ce qu’ils venaient chercher de si loin, n’était-ce pas la vie plus facile et plus molle, les loisirs plus voluptueux, tous les délices enfin et toutes les merveilles des peuples du Midi ? S’ils les venaient chercher, pourquoi donc ne se seraient-ils pas gardés de les ruiner systématiquement et de les faire disparaître ? Ils voulaient confisquer l’ancien monde à leur profit, et ne pensaient nullement à l’anéantir ; leur volonté et leur calcul, en ce sens, sont évidents. Si barbares qu’ils fussent, ces peuples n’étaient pas fous ; et si farouches qu’ils fussent, devenus propriétaires par la hache et par l’épée, l’esprit de propriété les domina bientôt ; ils voulurent vite conserver avec soin, appliquer à leur usage, à leurs plaisirs, à leurs vanités, tout le matériel de l’art rassemblé par les Romains. Le désordre et la déperdition qu’on impute aux Barbares ont donc été exagérés ; toutes les dévastations passionnées, toutes les dégradations lentes provenant du besoin, plus ou moins bien entendu, d’utiliser tout ce qui existait et se trouvait debout et de l’accommoder aux mœurs, aux nécessités, aux fantaisies successives, a été mis sur leur compte. Les temps de l’invasion ont été rendus solidaires du travail destructeur de tous les siècles qui les ont suivis jusqu’aux nôtres. Erreur grave, et qui change tout à