Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/23

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d’un Albane ou d’un Corrége, d’un Carrache ou d’un Michel-Ange Tout pour eux est beau, admirable, sublime, divin ! Les plus fortes productions des maîtres et celles de leurs derniers élèves reçoivent également l’apothéose du superlatif. Et ce qu’il y a d’étrange, c’est que, dans cette langue italienne si suave et si harmonieuse, les expressions les plus emphatiques vous séduisent plus qu’elles ne vous choquent. Ces adorateurs du beau se trompent assurément dans leurs banales adorations pour tout ce qui est sorti de leur école ; mais leur culte est si sincère, leur béatitude, leurs extases sont si vraies, que l’émotion vous gagne et fait taire votre jugement. C’est ainsi qu’après avoir admiré sur parole, on se persuade n’avoir vu en Italie que des chefs-d’œuvre : erreur aussi grave que l’erreur contraire que nous avons déjà signalée et qui consiste à n’y en vouloir trouver que quelques-uns. Puis, rentré chez soi, on écrit à froid les chaudes impressions du voyage, et l’on égare ainsi tout le troupeau de ceux qui ont besoin d’écouter les exagérations d’un guide, pour savoir ce qu’ils doivent non seulement admirer, mais encore regarder. Nous réagirons contre cette disposition laudative si naturelle aux Italiens, qu’on peut la combattre même chez un homme comme le Vasari, né dans un siècle où l’admiration avait tant d’objets pour s’éprendre, et pouvait moins que dans tout autre se prodiguer à la médiocrité.

Les Allemands ne se sont pas épuisés en démarches aussi actives que les Italiens. Ils ne se sont pas répandus en recueils aussi volumineux et aussi complaisamment illustrés ; mais, suivant leur usage, ils ont concentré des recherches énormes dans des publications moins importantes en apparence, et cependant plus prétentieuses au fond. On sait que c’est affaire à eux de s’envelopper dans les plus petits détails, comme dans un monde, et de prétendre s’y trouver à l’abri des exigences de l’ensemble et des principes de la généralité ; comme si la ténacité et la patience, si efficaces qu’on veuille les faire, avaient été données à l’homme pour remplacer l’inspiration et cette espèce d’intuition qui le plus souvent le servent si bien. Les pèlerins allemands, à force de remuer, de fouiller les archives et les