Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/257

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cillité ? C’était bien assez de lui accorder quelques regards en passant, alors que, sorti de ses langes, il avait acquis son allure virile. C’était d’autant plus assez, dans ce système, que l’art moderne, à son apogée, aux temps de Raphaël, de Michel-Ange et du Bramante, semblait sortir d’une filiation abâtardie, et n’avoir acquis un peu de valeur que par le retour spontané de ces hommes vers l’art antique, dont les monuments se trouvaient restaurés on ne sait comment, ni grâce à qui. Ces fragments restaurés devaient absorber toute l’attention, et fournir tous les enseignements nécessaires. Et si l’on devait garder quelque souvenir des grands noms du seizième siècle, ce ne pouvait être que parce qu’ils avaient témoigné de leur déférence pour l’art antique. Du reste, on devait leur contester toute autorité, toute influence. Il suffisait de s’abreuver soi-même et directement à la source antique, dont tout leur mérite provenait.

Ce système contempteur, aveugle, étroit, ingrat, n’a pas perdu encore tous ses partisans ; il sort à peine de se briser sur ses propres écueils et dans son inanité flagrante. Colporté par des littérateurs aussi emphatiques qu’ignorants, il a entraîné dans sa ruine plus d’un homme d’un talent admirable, et dont cependant le temps méconnaîtra les œuvres ; car le temps est sévère pour ceux qui font mauvaise voie.

Mais, si ce système dangereux est abattu, n’ayez pas peur qu’on chôme ; un autre est là qui s’élève et qui ne demande pas mieux que de le remplacer.