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BUONAMICO BUFFALMACCO.

time. » Par ces paroles et d’autres semblables propos que le curé ne pouvait qu’approuver, Buffalmacco arrangea les choses de telle sorte que Tafi cessa d’être aussi matinal. Une seule fois, quelques mois après, il tenta de recommencer ses veillées, mais une nouvelle visite des escarbots le rappela à l’ordre. Cette aventure fut cause que de longtemps aucun peintre, à Florence, n’osa travailler pendant la nuit.

Dès que Buffalmacco se sentit assez fort pour voler de ses propres ailes, il abandonna son maître Andrea afin de pratiquer librement son art. Les travaux ne lui manquèrent pas, et il prit une maison où il établit sa demeure et son atelier. Malheureusement son lit n’était séparé que par une mince cloison d’un rouet que la femme d’un ouvrier en laine, maître niais que l’on appelait Tête-d’oie, tournait bruyamment presque toute la nuit. Buonamico ne savait à quel saint se vouer, pour être délivré de cette musique infernale qui ne lui permettait pas de fermer l’œil un instant. Enfin il eut recours à une nouvelle malice que lui suggéra la découverte d’un trou placé dans la muraille, précisément au-dessus des fourneaux de son incommode voisine. Il s’arma d’un long tube, et saisissant le moment où la femme de Tête-d’oie était éloignée de ses casseroles, il fourra dans la marmite une quantité de sel vraiment peu chrétienne. Lorsque Tête-d’oie rentra pour dîner, il ne put avaler ni une cuillerée de soupe ni une bouchée de viande, tant son palais était cruellement blessé par cet assaisonnement inaccoutumé.