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BUONAMICO BUFFALMACCO.

rence, fut la décoration de l’église du monastère des religieuses de Faenza. Il y représenta plusieurs sujets tirés de la vie du Christ, parmi lesquels on remarque le Massacre des Innocents, composition pleine d’une énergique vérité. Les mères et les nourrices, les traits bouleversés par la rage, la douleur et le désespoir, luttent avec les dents et les ongles contre les bourreaux de leurs malheureux enfants. Le dessin de ce tableau se trouve dans notre recueil, et c’est le seul souvenir qui subsiste aujourd’hui de toutes les peintures qui ornaient ce monastère qui a été détruit pour céder la place à la citadelle del Prato (3).

Buffalmacco, homme aussi bizarre dans son costume que dans sa manière de vivre, était allé travailler dans ce couvent sans chaperon et sans manteau. Les religieuses, qui le regardaient quelquefois à la dérobée, se plaignirent à l’économe de ce qu’il restait ainsi en chemisette ; puis, craignant que ce ne fût qu’un broyeur de couleurs, elles firent dire par l’abbesse à Buffalmacco qu’elles voudraient voir à l’œuvre le maître lui-même. Notre Buonamico répondit courtoisement qu’il s’apercevait bien du peu de confiance qu’il inspirait, mais que son devoir était de leur obéir. Lorsqu’il se vit seul, il affubla d’un chaperon et d’un manteau, dont les plis tombaient jusqu’à terre, deux escabeaux et un broc dans le goulot duquel il ajusta adroitement un pinceau. Les religieuses ayant entrevu ce maître postiche majestueusement drapé, pensèrent qu’il consacrait tous ses soins et toute son attention à quelques impor-