Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/372

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qui nous reste des débauches romaines. C’est là que vous trouverez l’école byzantine vraiment grande, vraiment inspirée. Rien, malgré tant de travail et de peine, malgré tant d’essais et de sacrifices, malgré tant de succès et de progrès donnés ou obtenus depuis les premiers temps de l’art moderne par toutes les écoles à la fois, ne dépassait peut-être, dans ce qui constitue leur beauté, ces œuvres primitives. Nulle part l’idée fondamentale ne se fait voir avec plus de grandeur et en même temps avec plus de simplicité. Nulle part l’attitude et la physionomie ne saisissent autant l’œil et ne pénètrent autant dans la mémoire. L’ouvrier byzantin, méprisant tout ce qui l’entoure et dans le monde de l’art et dans le monde de la nature, fort de son ignorance volontaire, comme nous l’avons dit, semble trouver un incroyable appui, puiser une inexprimable autorité dans la rudesse même d’une exécution qui abstrait tous les détails et viole toutes les formes. De lourdes et poignantes pensées sur l’homme, sur les vanités de sa vie, sur les obscurités de sa destinée, vous assaillent et vous délabrent devant ces représentations byzantines, si étranges, se détachant sur un fond sobre et nu, qui n’est ni le ciel ni la terre, ni rien de connu, vide inquiétant où l’homme est tout, et où il ne semble conserver de sa forme que ce qu’il en faut bien juste pour se faire reconnaître. Quelle sombre et implacable poésie bâtissait donc, par les mains des manœuvres byzantins, ces muettes apparitions qu’à travers les longues colonnades des basiliques, les peuples en prières voyaient resplendir au fond