Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/92

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poésie, comme ailleurs tombe encore, pour n’avoir pas voulu modérer son essor, le jeune Icare, fils de l’architecte Dédale, déjà puni comme le sculpteur Prométhée, et enchaîné comme lui pour ses œuvres ingénieuses et hardies. Sans doute, la vérité palpite sous le manteau de ces fables ; leur voile transparent nous laisse voir ce qu’il a dû en coûter aux hommes inspirés, qui les premiers vinrent ouvrir les routes que l’activité humaine parcourt aujourd’hui en toute sécurité. Ces fables nous disent combien, dans l’origine, les voies de l’esprit étaient sévèrement gardées ; à travers quelles terreurs, quelles angoisses, quels dangers, durent passer les premiers qui en déblayèrent pour nous l’entrée. Mais si ces lugubres légendes du sacerdoce nous racontent sa colère et ses calomnies, ses exécutions vindicatives et ses prophéties jalouses, elles proclament plus haut encore l’ardente conviction de ses victimes et leur irrésistible dévouement. Elles nous disent combien l’instinct affranchi de l’homme avait en soi-même confiance pour ne pas reculer devant des obstacles si grands ; combien enfin il avait cru recevoir les promesses de la Providence pour entreprendre ainsi de braver les menaces du destin. Les premiers artistes grecs eurent ce courage, et ne firent pas faute à l’humanité souffrante ; si l’on en croit les traditions du monde ancien, ils posèrent hardiment la main sur l’édifice cyclopéen qui écrasait plutôt l’humanité qu’il ne l’abritait ; ils le mirent en morceaux, et surent lui façonner de ses ruines un asile plus large, plus noble et moins triste. Aussi la Grèce