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RÉINCARNATION

émerveillé par les jouissances de cette étude, il marcha bientôt à la conquête de son véritable état conscient. Son intelligence très assimilatrice lui aplanit les premiers écueils de l’initiation, et, s’étant fait remarquer par quelques études hors de pair, il se trouva bientôt à la tête de la nouvelle école.

Jusque-là, ses travaux avaient suffi à son existence ; Bérengère, qu’il continuait à considérer comme sa compagne future, le suivait péniblement, dans ses incessantes découvertes, et désireuse de lui plaire, s’efforçait d’y trouver un intérêt égal au sien. Pourtant, Ghislain n’était attaché à elle que par l’habitude ; ni son cœur, ni ses sens, ne l’attiraient vers cette femme de tempérament différent, et qui, inconsciemment, le heurtait, le froissait, éveillait en lui ce sentiment involontaire de colère et de haine que nous ressentons auprès des êtres qui ne peuvent nous comprendre. Bientôt, la sourde irritation qu’il éprouvait devint intolérable ; sans motif avoué, il rompit brusquement avec la jeune fille, et partit pour un long voyage à travers le monde. Bérengère ressentit une douleur aiguë, où se mêlait plus de colère que de chagrin réel. Elle avait combattu, bâti mille plans habiles pour conquérir cette nature bizarre, et voilà qu’au moment du triomphe définitif, sa proie lui échap-

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