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L'ANARCHISTE

ce compagnon pitoyable et tendre, lui seul lui avait ouvert les bras sans arrière-pensée, lui seul l’avait traitée comme une femme et non comme une machine à plaisir ! Lamentable machine dont tous les ressorts étaient brisés, dont il ne restait qu’un frêle squelette !

Je voulus la consoler, et l’ayant fait asseoir auprès de moi, sur un divan, je pris ses petites mains moites de fièvre.

— Voyons, dis-je, ne pensez plus à cet ingrat. Vous lui avez largement payé le peu d’amour qu’il vous a donné. Où aurait-il trouvé une amie aussi douce, aussi courageuse, aussi aimante que vous ?… Il n’inspirait guère de confiance, et il a fallu votre aveuglement touchant pour le revêtir de toutes les qualités qui lui manquaient. A vrai dire, c’est un être étrange, inexplicable aux autres comme à soi-même. Explique-t-on les fous ?… Une étude psychologique de plusieurs volumes ne parviendrait pas à nous donner une idée exacte de son caractère, parfois si différent le lendemain de ce qu’il était la veille. En cherchant bien, on trouverait la haine au fond de tous ses actes : la haine et le mépris de ceux qui ne le comprennent pas et qu’il ne comprend pas davantage ; un continuel besoin d’agir paralysé par une timidité et une invincible torpeur ; enfin un immense orgueil et un immense égoïsme. Je suis