Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/68

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dant des jours et des années…
Mon père est mort, je l’ai assassiné,
La tête folle et sauvage de vin
Pris tout à coup, comme un levain
Le soir, au fond d’une taverne.
Notre maison dormait. Une lumière terne
Dissipait l’ombre, à peine, autour du lit.
Mon père était encor, quoique affaibli,
Un vieillard rude et fort. Je vis sa gorge à nu
Où les veines saillaient. Son front chenu
Vivait d’un éclat pâle, et sa fierté
Sans défense le défendait : je m’arrêtai…
— Ah ! si, dans ce moment, j’avais pu voir,
En un éclair, les yeux fixes du désespoir
Darder ; si cette croix
En un éclair, les yeux fixes duIl désigne celle du mur.
Darder ; si cette croixoù s’épuisent nos bouches
Avait gardé mon père et défendu sa couche,
Si l’un de vous, celui qui m’est doux et ami,
Avait, dès ce temps-là, compté parmi
Ceux dont les cœurs me sont prière et flamme,
Jamais le mal n’aurait ensanglanté mon âme,
Jamais je n’aurais vu la mort inévitable…