Page:Verhaeren - La Guirlande des dunes, 1907.djvu/18

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Montagnes mortes une à une,
Oh ! comme au loin le vieil hiver du Nord
Quoique mortes, vous tue et vous lacère encor !
Et comme entre vos flancs et vos crêtes de sable
Plongent, partout, ses dents insaisissables !

L’herbe rare et les oyats
Sont arrachés, et l’on dirait des chevelures
Larges et volantes, là-bas ;
La bise est à la fois gel et brûlure ;
On écoute passer d’énormes coups de faux
Tombant, comme des vols, d’en haut,
Et s’enfonçant dans les os de la terre ;
Un ronflement constant de force solitaire
Dont personne, sinon la mer, n’est le témoin,
Toujours plus sourd et lourd épouvante les loins ;
Des pans entiers de sable croulent ;
Des caps et des sommets sont rasés par les houles ;
Des tourbillons creusent des entonnoirs ;
Le soir
Resserre, en un faisceau, ces angoisses funèbres ;
Des cassements se font entendre, on ne sait d’où,
Si longs et si profonds qu’on croit que les ténèbres
Luttent et s’entre-mordent, tout à coup.