Page:Verhaeren - Les Plaines, 1911.djvu/162

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Et c’est le temps aussi où les servantes,
Le soir, en des vergers assombris d’or,
Offrent aux valets lourds l’aubaine ardente
Et la kermesse de leur corps.
L’été, ils s’assaillaient parmi les champs superbes,
Là-bas, au coin des bois, ici, au pied des gerbes ;
Mais aujourd’hui l’amour se mélange à la peur ;
La ferme est là qui inquiète et des lueurs
Bougent et regardent, de loin, dans les villages ;
Aussi, bien qu’on se pille et se saccage,
Rien ne s’entend du triomphal combat ;
Les dents mordent les crins, les pieds mordent la terre,
Comme un flux de bonheur s’épand en chaque artère,
On s’écrase le spasme à coups de baisers gras !
Oh ! cet étouffement et ces luttes muettes,
Et ces amours d’autant plus fous, d’autant plus forts,
Que leur ardeur est plus fermée et plus secrète,
Au fond des vergers noirs et des herbages d’or.
L’air est complice et doux ; des brumes flottent ;
Le vent se bombe et s’apaise comme un désir,
Pour se gonfler encor et puis mourir ;
Unique, un cri s’entend, de pie ou de hulotte.