Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/21

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Il consultait en vain les fleurs et les oiseaux
Qui vivaient avec elle au bord des sources nues,
Et le miroir fidèle et souterrain des eaux
D’où peut-être sourdait sa pensée inconnue.
Un soir, qu’il se penchait, avec des doigts pieux,
Doucement, lentement, pour lui fermer les yeux,
Ève bondit soudain hors de son aile immense.
Oh ! l’heureuse, subite et féconde démence,
Que l’ange, avec son cœur trop pur, ne comprit pas.
Elle était loin qu’il lui tendait encor les bras
Tandis qu’elle levait déjà son corps sans voiles
Éperdûment, là-bas, vers des brasiers d’étoiles.

Adam la vit ainsi et tout son cœur trembla.

Jadis, quand, au soir descendant, ses courses
De marcheur solitaire erraient par là,
Joueuse, il l’avait vue au bord des sources
Vouloir, en ses deux mains, saisir
Les bulles d’eau fugaces