Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/27

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Pour que lui-même, un jour, bâtit seul son destin.

Et la femme, plus belle encor depuis que l’homme
Avait ému sa chair du frisson merveilleux,
Vivait dans les bois d’or baignés d’aube et d’aromes
Avec tout l’avenir dans les pleurs de ses yeux.
C’est en elle que s’éveilla la première âme
Faite de force douce et de trouble inconnu,
À l’heure où tout son cœur se répandait en flammes
Sur le germe d’enfant que serrait son flanc nu.
Le soir, lorsque le jour dans la gloire s’achève
Et que luisent les pieds des troncs dans les forêts,
Elle étendait son corps déjà plein de son rêve
Sur les pentes des rocs que le couchant dorait ;
Ses beaux seins soulevés faisaient deux ombres rondes
Sur sa peau frémissante et claire ainsi que l’eau,
Et le soleil frôlant toute sa chair féconde
Semblait mûrir ainsi tout le monde nouveau.
Elle songeait, vaillante et grave, ardente et lente,
Au sort humain multiplié par son amour,
À la volonté belle, énorme et violente