Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/81

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Le front libre du casque et l’étrier ballant,
Tancrède et Bohémond causaient en camarades,
Du discours de l’Hermite et de son cri brûlant.
Ils n’avaient point compris la harangue trop belle ;
Pour eux, tout étranger demeurait l’ennemi,
Et rien ne distinguait du Musulman rebelle
L’Anglais envahisseur ou l’Allemand conquis.
Pourtant, comme ils passaient à Varna, le dimanche,
Leur prière mêlée aux prières de tous
Sous les vélums soyeux des basiliques blanches,
Leur inculqua soudain un esprit moins jaloux.
Ils mangèrent le pain d’une commune idée
Que leur tendit un prêtre extatique et chenu,
Et leur bouche baisant la même croix dardée,
Ils se crurent chez eux sous ce ciel inconnu.

Tandis que Godefroid, ayant gagné l’Asie
Pour s’attaquer, lui le premier, à l’hérésie
Des hauts sultans de soie et de béryls couverts
Et des peuples tannés par les vents du désert,
Ne rencontra jamais en ces hommes étranges