Page:Verhaeren - Les Rythmes souverains, 1910.djvu/83

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Avec ses étendards repliés ou flottants,
Il crut à quelqu’orage enfermé sous la terre,
Qui tout à coup se délivrait en s’exaltant ;
Les Aquitains chantaient un hymne ardent et grave,
Que l’ordre de leur marche, avec calme, scandait,
Tandis que les Normands, les Saxons, et les Slaves,
Là-bas, au loin, sur les routes leur répondaient.
Un seul pas fourmillant semblait mouvoir leurs foules
Que le soleil frappait de haut, terriblement,
Et c’étaient des clartés croulant comme des houles,
De l’un à l’autre bout de leur piétinement.
Ô les nuits de repos et les matins d’alerte !
Et tout à coup, au soir tombant du jour dernier,
Debout, là, devant tous, dans sa ceinture verte,
Jérusalem que dominaient de hauts palmiers.
Alors l’élan fut tel dans l’ombre et la poussière
Qu’on eût dit que le sol lui-même s’emportait
Au soulèvement fou des pas myriadaires.
L’air était bondissant et le vent haletait,
La force et la valeur se muaient en miracles.
En vain, herses et ponts et douves et créneaux,
Et rocs et murs et tours étageaient leurs obstacles,