Page:Verhaeren - Les Tendresses premières, 1904.djvu/30

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Reposaient tous bien à l’abri,
Sur les plinthes des vieux dressoirs et des lambris.
Aux repas clairs, ils décoraient la table :
On découpait d’un geste ardent
Leur chair glacée et délectable,
Qui se fondait entre les dents
Et embaumait l’haleine
Et parfumait les doigts ;
Et pour les honorer, une dernière fois,
En les mangeant, on prononçait leurs noms de Reines.


Et la bonne saison durait longtemps
Jusqu’en décembre :
Le jour, on verrouillait la porte à deux battants
De la grand’chambre
Et je ne pus jamais
Que renifler, par la serrure,
L’odeur ample des fruits épais
Et regarder de loin leurs chamarrures.
Mais quand le soir, à l’heure du coucher,
La plus vieille servante accourait me chercher
Pour le bon somme,
Sans nul réveil, jusqu’à demain ;

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