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De la chair nue en des miroirs.

Le port est proche. À gauche, au bout des rues,
L’emmêlement des mâts et des vergues obstrue
Un pan de ciel énorme ;
À droite, un tas grouillant de ruelles difformes
Choit de la ville — et les foules obscures
S’y dépêchent vers leurs destins de pourriture.

C’est l’étal flasque et monstrueux de la luxure
Dressé, depuis toujours, sur les frontières
De la cité et de la mer.

Là-bas, parmi les flots et les hasards,
Ceux qui veillent mélancoliques, aux bancs de quart
Et les mousses, dans les agrès et les cordes pendues,
Et les marins hallucinés par les yeux bleus des étendues,
Tous en rêvent et l’évoquent, tels soirs ;
Le cru désir les tord en effrénés vouloirs ;
Les baisers mous du vent sur leur torse circulent ;
La vague éveille en eux des images qui brûlent ;
Et leurs deux bras supplient et longuement se désespèrent