Page:Verhaeren - Poèmes, t1, 1895, 2e éd.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
poèmes

Moines — oh ! les chercheurs de chimères sublimes —
Vos rêves, ils s’en vont par delà les tombeaux,
Vos yeux sont aimantés par la lueur des cimes,
Vous êtes les porteurs de croix et de flambeaux
Autour de l’idéal divin que l’on enterre.
Oh ! les moines vaincus, altiers, silencieux,
Oh ! les géants debout sur les bruits de la terre,
Faces d’astres, brûlés par les astres des cieux,
Qui regardez crier autour de vous les foules
Sans que la peur ne fasse un pli sur votre front
Ni que le vent d’effroi n’en fasse un dans vos coules ;
Oh ! les moines que les siècles contempleront,
Moines grandis, parmi l’exil et les défaites,
Moines chassés, mais dont les vêtements vermeils
Illuminent la nuit du monde, et dont les têtes
Passent dans la clarté des suprêmes soleils,
Nous vous magnifions, nous les poètes calmes,
Et puisque rien de fier n’est aujourd’hui vainqueur,
Puisqu’on a déchiré les lauriers et les palmes,
Moines, grands isolés de pensée et de cœur,
Avant que la dernière âme ne soit tuée,
Mes vers vous bâtiront de mystiques autels
Sous le velum errant d’une chaste nuée,
Afin qu’un jour cette âme aux désirs éternels,