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poèmes


Qui s’en viennent, jointes, ainsi qu’un double espoir,
Les mains en fleur, prier, à Benarès, l’Idole.

Ils arrivent les vieux voyants usés, les pâles
De jeûne et de cilice, ils arrivent, les os
Rompus, les regards droits, la voix nouée en râles,
Le sein vide et blanchi comme d’anciens tombeaux,
Ils arrivent prier, à Benarès, l’Idole.

Désir d’être soudain la bête hiératique
D’un éclat noir, sous le portique,
Escarbouclé d’un temple, à Benarès.

Être ce néant de bronze et d’or inéluctable
Et merveilleux, vers qui, les inlassables bras,
Les bras ! les bras ! de la douleur incommutable,
Comme des rameaux fous, s’épouvantent d’en bas.
Et s’imposer à la crédulité, pour mordre
Les doux cœurs confiants et la priante chair
Et les larmes et les sanglots ; et mordre et tordre
Toute cette humanité de folie et d’éclair,
Errante et angoissée aux vallons de la crainte ;