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poèmes


Mes Dieux, ils sont : le mal gratuit, celui pour soi,
L’unique ! Ils le rêvent, au clair minuit des astres,
Voici soudain leur ombre en moi, comme l’effroi
Entr’aperçu, la nuit, de ténébreux pilastres.

Et les uns des autres insoucieux : seuls — tous.
Chacun pour soi rêvant à sa toute puissance,
Sous les plafonds de fer des firmaments jaloux ;
Et la taisant, pour l’aiguiser, sa malfaisance,
 
Les uns ? la haine — et les autres ? l’atrocité.
Tel autre, avec des dents lentes et vexatoires,
Mâchant et remâchant sa taciturnité ;
Et tel, avec du rouge en feu dans ses mâchoires.

Ils sont les éternels de mon désert, ils sont
De mon ciel violent, dont les anciens tonnerres
Ont saccagé l’azur, l’immobile horizon ;
Ils sont mes éternels et mes tortionnaires.