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les soirs


Tout l’infini qui grince et se brise et se tord
Et se déchire et vole en lambeaux de colère,
À travers la campagne, et beugle au loin la mort
De l’un à l’autre point de l’espace solaire.

Oh ! les chênes ! Oh les mornes suppliciés !
Et leurs pousses et leurs branches que l’on arrache
Et que l’on broie ! Et leurs vieux bras exfoliés
À coups de foudre, à coups de bise, à coups de hache.

Ils sont crevés, solitaires ; leur front durci
Est labouré ; leur vieille écorce d’or est sombre,
Et leur sève se plaint plus tristement, que si
Le dernier cri du monde avait traversé l’ombre.

L’hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
Geignant sous la tempête et démenant leurs branches
Comme de grands bras fous qui voudraient fuir un corps,
Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,