Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/116

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peuple et de la foule, on le gardait comme si tout à coup il aurait pu aider à quelque émancipation dangereuse.

Ce fut, en effet, grâce à une révolution que les musées naquirent, que les artistes eurent, eux aussi, leurs palais comme les rois, et que l’esprit de liberté et d’indépendance affiché dans leurs toiles fut montré à la masse, partout.

Bientôt les Louvre, les Prado, les National Gallery ne suffirent plus pour les célébrer et les grandir. On imagina de grandes fêtes artistiques, des assises de beauté, tenues çà et là dans les capitales. À Amsterdam, à Bruges, à Anvers, à Paris, on organisa des exhibitions cycliques soit en l’honneur de tel ou tel génie, soit en l’honneur d’une école tout entière. Et l’on vit, en Europe, à certaines dates d’anniversaire, tous les peintres, tous les mécènes, tous les esthètes, tous les critiques, se transporter au loin comme au temps des pèlerinages religieux.

Ce fut la Hollande qui prit l’initiative de telles manifestations. Elles se sont multipliées depuis. Toutefois aucune d’elles n’eut la solennité et la splendeur de celle qui, en 1898, réunit au Musée de la ville d’Amsterdam tous les chefs-d’œuvre inconnus de Rembrandt et appela pour les admirer tous ceux qui, dans le monde, portent en eux son culte. Ce fut une tardive mais éclatante réparation. Celui qu’au XVIIe siècle son pays avait méconnu, celui que Banning Cocq et ses amis, dont les effigies, parmi tant d’autres, illustraient une des salles, avaient raillé, vilipendé et insulté, celui qui n’avait pu trouver créance