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confessions

d’une canne. — D’ailleurs qu’avais-je à gâter qu’un haut-de-forme enfoncé jusqu’aux oreilles, et que m’importaient, je vous le demande un peu, la pluie et la boue et tout, eussé-je été vêtu comme un prince ? Je m’enfonçai, courant plutôt que marchant, dans le petit jour, et dans la boue d’une route de trois « bonnes » lieues.

Dans quelle situation d’esprit, non ! de cœur bien plutôt, j’accomplis cet affreux pèlerinage, je vous le donne à penser. J’arrivai enfin, trempé comme une soupe, de pluie, de sueur et de pleurs — car quelle anxiété : est-elle encore vivante ? Je l’aimais tant ! — aux confins du village, d’où, dès l’abord j’entendis un coup de cloche, puis deux, puis trois, puis tout un glas. Fou, j’entrais dans un cabaret sur la route :

— Ah ! vous voilà, monsieur Verlaine…

— Et madame D… ?

— On va l’enterrer.

Je ne mis pas plus d’une minute, je gage, pour atteindre l’habitation d’où devait partir l’abominable cortège. Mon cousin par alliance, tout en larmes, se jeta dans mes bras et nous nous étreignîmes longuement… Ma mère faisait pitié à voir. Elle aimait Elisa comme sa propre fille. C’était, pensez donc, l’enfant d’une sœur adorée morte jeune, adoptée et élevée par mes parents loin d’un père, brave homme, mais ivrogne, à qui n’avait resté, en toute prudence,