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confessions

sable, un de mes bons amis, L… de R…, garçon d’un cœur trop débordant, l’exaltation en personne qui, brusquement, m’apprit que sa maîtresse venait de mourir en couches, et qu’il allait se tuer, me montrait à l’appui un revolver affreusement chargé et me remettait aux mains un pli assez lourd que je ne devrais lire, ajouta-t-il, qu’après sa mort, puis, avant que je pusse, abasourdi, du moins le retenir pour quelque explication qui eût peut-être modifié ses résolutions, s’enfuit, dépistant à travers les corridors et les escaliers mon immédiate poursuite en vue d’essayer de le détourner d’un suicide épouvantable à mon cœur d’ami sincère, et de le désarmer s’il était possible et de le retenir par la force s’il fallait près de moi.

J’ignorais son adresse. Supposant qu’il me l’avait laissée dans la lettre qu’il venait de me donner, je décachetais cette lettre qui ne contenait qu’un testament où il me chargeait de veiller sur l’enfant survivant dont la naissance avait coûté la vie à la pauvre femme qu’il voulait, mon malheureux ami, suivre dans la tombe. D’adresse, point… Ce ne fut que le lendemain matin, qu’après mon petit déjeuner, comme je m’apprêtais pour aller au bureau, m’arriva un télégramme, me priant de me rendre en toute hâte à Passy, telle rue, tel numéro, et signé L… de R… Atterré et craignant tout, mais dans le suprême espoir, que je sentais chimérique,