Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
confessions

Victor Hugo, l’homme le plus myope de France peut-être, qui, moi lui ayant été présenté par ma belle-mère comme le fiancé de sa fille, au sortir du concert Pasdeloup, n’avait retenu de ma physionomie que ceci qu’il proclamait à tous ceux que cela pouvait intéresser : « J’ai vu l’autre jour le futur de Mlle M… C’est prodigieux ce que ce jeune homme a de cheveux ! » Or, dès cette époque je commençais à ébaucher et non « de main morte » la parfaite calvitie qui me distingue aujourd’hui de quelques-uns de mes contemporains, même des mieux favorisés naturellement sous ce rapport-là… L’on causait de tout un peu en attendant les quelques invités peu nombreux (vu les circonstances de la guerre et les nouvelles de plus en plus mauvaises), parmi lesquels M. Camille Pelletan, un camarade de longue date, alors poète et auteur même d’une comédie en vers qu’il devrait bien imprimer, car, ainsi, du reste, que plusieurs petits poèmes dont il donnait à cette époque volontiers lecture à ses intimes, elle était marquée au bon coin banvillesque avec de l’originalité vraie… La vie, qui est si baroque, a fait de ce fantaisiste aimable, primesautier, gamin et enfant à ses heures, un homme politique de qui d’aucuns, lesquels d’ailleurs peuvent sans usurpation se mettre en tête des imbéciles du reportage parlementaire, ont fait, de toutes pièces, le Croque-mitaine et le Diable sortant tout ébouriffé