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quinze jours en hollande

Après tout, si un récit familier ou même mieux ou pis de voyage, par simples lettres, ainsi que c’est l’occurrence, comme ce pourrait être — autrement n’est pas une conférence, — et je le constatais si magistralement tout à l’heure, ce n’est pas non plus une pure et sèche tranche d’un Baedeker quelconque, quand tous les diables y seraient. Or donc, mon cher ami, dussiez-vous, ce qui n’arrivera pas, j’en tiendrais le pari, me maudire, digresserai (pardon !) toutes les fois que l’occasion m’en semblera logique ou simplement s’en présentera : la digression, après tout, c’est la fleur à la boutonnière, la bague au doigt — aussi et peut-être plus souvent le drapeau, le pavillon plutôt qui couvre la marchandise.

Me voici dans mon wagon spécial (en langage de chemin de fer ça se terme wagon-toilette, charmant le mot, n’est-ce pas ? On dirait du belge et du bon) et juste au moment où sonne la cloche de la plate-forme et que siffle en roulottant, comme d’un berger le signal du chef de gare, un garçon du bulfet m’apporte en un panier d’osier roux, oblong, fermé d’un cadenas ouvert avec la clef dessus, mon déjeuner, donc portatif, vous voyez bien. Le temps juste pour moi du pourboire à donner — et en route !

Je relève la tablette d’acajou qui est en face de moi, je l’assujettis sur deux supports que je tire du panneau inférieur et je pose sur cette table de poche