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les hommes d’aujourd'hui

faudrait citer le magnifique rêve d’opium. Le lecteur, après avoir pris connaissance de ce fragment, pourrait comprendre à quel écrivain de race et de taille l’on a affaire quand on visite ce poète absolu. Car poète, bien qu’ayant écrit relativement peu de vers, il l’est plus certainement qu’aucun de cette époque-ci, ou tout au moins autant que les plus vraiment poètes du siècle. Du poète il a la sensibilité, la vibration, l’éclair, il en a aussi la langue au suprême degré, sonore et riche et disant magnifiquement tout ce qu’il a fallu dire et rien d’autre, puisque du poète il possède encore le bon sens, ce don suprême du poète, le bon sens, le vrai ! le tact, la mesure (dans les deux sens qui n’en font qu’un). Mais voici non hélas ! le chef-d’œuvre tout entier, qui ne compte pas moins de trois pages de fin texte, du moins quelques lignes détachables sans trop de vandalisme :

« Je sais, chantait Maria, pendant que la barque glissait ténébreusement, je sais un Esprit fatigué d’élévations stériles et d’espoirs fondés sur les Ténèbres. Longtemps son vol puissant fut l’honneur des cieux ; dans ses regards dormaient les rêves éternels ; les soirs l’adoraient comme leur hôte et leur génie ; les couchants, lorsqu’il s’exaltait au sein de leurs profondeurs hantées par les mânes des dieux : empourpraient le glorieux veilleur de flammes et de merveilles ; — il s’attarda, par une