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confessions

père, des journaux à la main, rentra d’une promenade, tout animé, lui si calme quoique nerveux, tout excité, disant : « C’est fini. Ça y est ! — Quoi donc, pour Dieu ? fit ma mère un peu inquiète du ton exalté. — Et parbleu, le coup d’État. Aujourd’hui la Chambre à Mazas. Demain le Président aux Tuileries. C’est très grave, mais ça a l’air très calme. »

Ce mot coup d’État que je ne comprenais pas, et sur lequel mon père interrogé maintes fois par moi n’avait pu s’expliquer, naturellement, à un galopin de sept ans, et que le résumé qu’il venait d’en donner n’éclaircissait pas, quoique bien topique et juste au point pour une intelligence toute au fait si j’avais seulement su ce que c’étaient que les Tuileries et que Mazas et surtout que la Chambre. (Le Président, que j’avais déjà vu à cheval, en général de la garde nationale, je me doutais vaguement que c’était une espèce de militaire à qui on faisait attention beaucoup quand il passait.) — Ce mot de coup d’État, maintenant que la chose était faite, m’intrigua soudain par son actualité même, et je formulai, pour la quantième fois donc ? ma lancinante question, aggravée aujourd’hui d’un adverbe de temps sous forme à la fois de conjonction et d’exclamation : « Alors, papa, dis-moi ce que c’est qu’un coup d’État ?» — Il me fut très judicieusement répondu : « Tu m’ennuies. Ça ne te regarde pas, va jouer plus loin. » Le lendemain il fut bien un peu question de