Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/62

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VIII

Ce saut dans l’inconnu de la rue et du soir, d’un pauvre petit garçon épouvanté de se trouver sans ses parents, s’accomplit si vite, comme toutes les grandes déterminations, et si heureusement, sans accrocs ni rien, que j’en restai une seconde comme étourdi, — une seconde, après quoi je m’orientai du premier coup… Je ne fus pas un quart d’heure à faire le trajet de la pension à la maison. La grande affaire, par exemple, était de me trouver en face de mes parents ; tous mes petits principes de déjà s’agitaient dans ma jeune conscience, rassurée au fond, sous la forme plutôt de scrupules. Je raisonnais à peu près ainsi : « Voyons, tout de même, enfin ! Papa et Maman m’ont mis en pension pour mon bien. Ils savaient ce qu’ils faisaient en agissant ainsi. J’aurais dû rester et attendre un peu. On serait venu me voir, pour sûr, demain… Décidément c’est mal. Ça va leur faire de la peine… Et puis, qu’est-ce que dira le maître de pension ? » Cette dernière considération, si naïve et bien d’un enfant craintif et gâté comme je l’étais, m’obsédait