Page:Verlaine - Jadis et Naguère, 1891.djvu/138

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« En vains tournois, en cours d’amour loin de sa dame
« Qui belle et jeune prit un amant, la pauvre âme ! » —
— « Ô Seigneur, écartez ce calice de moi ! » —
— « Comme ils s’aimèrent ! Ils s’étaient juré leur foi
« De s’épouser sitôt que serait mort le maître,
« Et le tuèrent dans son sommeil d’un coup traître. »
— « Seigneur, vous le savez, dès le crime accompli,
« J’eus horreur, et prenant ce jeune homme en oubli,
« Vins au roi, dévoilant l’attentat effroyable,
« Et pour mieux déjouer la malice du diable,
« J’obtins qu’on m’apportât en ma juste prison
« La tête de l’époux occis en trahison :
« Par ainsi le remords, devant ce triste reste,
« Me met toujours aux yeux mon action funeste,
« Et la ferveur de mon repentir s’en accroît,
« Ô Jésus ! Mais voici : le Malin qui se voit
« Dupe et qui voudrait bien ressaisir sa conquête
« S’en vient-il pas loger dans cette pauvre tête
« Et me tenir de faux propos insidieux ?
« Ô Seigneur, tendez-moi vos secours précieux !
— « Ce n’est pas le démon, ma Reine, c’est moi-même,
« Votre époux, qui vous parle en ce moment suprême,
« Votre époux qui, damné (car j’étais en mourant
« En état de péché mortel), vers vous se rend,
« Ô Reine, et qui, pauvre âme errante, prend la tête
« Qui fut la sienne aux jours vivants pour interprète