Page:Verlaine - Jadis et Naguère, 1891.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Des âmes, je te dis, c’est l’alme indifférence
« Pour la félicité comme pour la souffrance
« Si l’amour partagé leur fait d’intimes cieux.
« Viens afin que l’enfer jaloux, voie, envieux,
« Deux damnés ajouter, comme on double un délice,
« Tous les feux de l’amour à tous ceux du supplice,
« Et se sourire en un baiser perpétuel ! »
— « Âme de mon époux, tu sais qu’il est réel
« Le repentir qui fait qu’en ce moment j’espère
« En la miséricorde ineffable du Père
« Et du Fils et du Saint-Esprit ! Depuis un mois
« Que j’expie, attendant la mort que je te dois,
« En ce cachot trop doux encor, nue et par terre,
« Le crime monstrueux et l’infâme adultère
« N’ai-je pas, repassant ma vie en sanglotant,
« Ô mon Henry, pleuré des siècles cet instant
« Où j’ai pu méconnaître en toi celui qu’on aime ?
« Va, j’ai revu, superbe et doux, toujours le même,
« Ton regard qui parlait délicieusement
« Et j’entends, et c’est là mon plus dur châtiment,
« Ta noble voix, et je me souviens des caresses !
« Or si tu m’as absoute et si tu t’intéresses
« À mon salut, du haut des cieux, ô cher souci,
« Manifeste-toi, parle, et déments celui-ci
« Qui blasphème et vomit d’affreuses hérésies ! » —
— « Je te dis que je suis damné ! Tu t’extasies