Page:Verlaine - Jadis et Naguère, 1891.djvu/142

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Sur le hideux objet qui rayonne à présent
Dans un nimbe languissamment phosphorescent.
Un halo clair, semblable à des cheveux d’aurore
Tremble au sommet et semble au vent flotter encore
Parmi le chant des cors à travers la forêt.
Les noirs orbites ont des éclairs, on dirait
De grands regards de flamme et noirs. Le trou farouche
Au rire affreux, qui fut, Comte Henry, ta bouche
Se transfigure rouge aux deux arcs palpitants
De lèvres qu’auréole un duvet de vingt ans.
Et qui pour un baiser se tendent savoureuses…
Et la Comtesse à la façon des amoureuses
Tient la tête terrible amplement, une main
Derrière et l’autre sur le front, pâle, en chemin
D’aller vers le baiser spectral, l’âme tendue,
Hoquetant, dilatant sa prunelle perdue
Au fond de ce regard vague qu’elle a devant…
Soudain elle recule, et d’un geste rêvant
(Ô femmes, vous avez ces allures de faire !)
Elle laisse tomber la tête qui profère
Une plainte, et, roulant, sonne creux et longtemps :
— « Mon Dieu, mon Dieu, pitié ! Mes péchés pénitents
« Lèvent leurs pauvres bras vers ta bénévolence,
« Ô ne les souffre pas criant en vain ! Ô lance
« L’éclair de ton pardon qui tuera ce corps vil !
« Vois que mon âme est faible en ce dolent exil