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sitka.

ainsi dire, à moins qu’il ne neige. Qu’on ne s’étonne donc pas dès lors si, après avoir traversé le canal dans un bac avec tout son personnel et tout son matériel, la Belle-Roulotte fit son entrée à Sitka sous les douches d’une pluie torrentielle. Et pourtant, M. Cascabel ne songeait guère à se plaindre, puisqu’il était arrivé précisément à une date qui lui donnait le droit d’y pénétrer dépourvu de tout passeport.

« J’ai eu bien des chances heureuses dans mon existence, mais jamais d’aussi extraordinaires ! répétait-il. Nous étions à la porte sans pouvoir entrer, et voilà que cette porte s’ouvre à point devant nous !… »

Il est certain que le traité de cession de l’Alaska avait été signé juste à temps pour permettre à la Belle-Roulotte de franchir la frontière. Et, sur cette terre devenue américaine, plus de ces intraitables fonctionnaires, plus de ces formalités pour lesquelles l’administration moscovite se montre si exigeante !

Et maintenant, il eût été tout simple de conduire le Russe soit à l’hôpital de Sitka, dans lequel les soins ne lui auraient pas manqué, soit dans un hôtel, où le médecin serait venu lui faire visite. Cependant, lorsque M. Cascabel le lui proposa :

« Je me sens mieux, mon ami, répondit-il, et si je ne vous gêne pas…

— Nous gêner, monsieur ! répondit Cornélia. Et qu’entendez-vous par nous gêner ?…

— Vous êtes ici chez vous, ajouta M. Cascabel, et si vous pensez…

— Eh bien, je pense, qu’il vaut mieux pour moi ne point quitter ceux qui m’ont recueilli… qui se sont dévoués…

— Cela va, monsieur, cela va ! répondit M. Cascabel. Pourtant, il est nécessaire qu’un médecin se hâte de vous voir…

— Ne peut-il venir ici ?…

— Rien de plus facile, et j’irai moi-même chercher le meilleur de la ville. »