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césar cascabel.

— Évidemment ! répondit Jean.

— Et quelle joie ce sera pour nous de revoir la France ! s’écria Mme  Cascabel.

— Notre France que vous ne connaissez pas, enfants, reprit M. Cascabel, puisque vous êtes nés en Amérique, notre belle France que vous connaîtrez enfin ! Ah ! Cornélia, quel plaisir pour toi, une Provençale, et moi, un Normand, après vingt ans d’absence !

— Oui, César, oui !

— Vois-tu, Cornélia, on m’offrirait un engagement, fût-ce au théâtre de M. Barnum, que je refuserais maintenant ! Retarder notre retour, jamais !… J’irais plutôt sur les mains !… C’est le mal du pays qui nous tient, et il faut soigner cela en revenant au pays !… Je ne connais pas d’autre remède ! »

César Cascabel disait vrai. Sa femme et lui n’avaient plus qu’une pensée : rentrer en France, et quelle satisfaction de pouvoir le faire, puisque l’argent ne manquait pas !

« Nous partirons donc demain ! dit M. Cascabel.

— Et ce sera peut-être notre dernier voyage ! répondit Cornélia.

— Cornélia, répliqua son mari avec dignité, je ne connais qu’un dernier voyage, c’est celui pour lequel Dieu ne délivre pas de billet de retour !

— Soit, César, mais, avant celui-là, ne nous reposerons-nous pas, lorsque nous aurons fait fortune ?

— Nous reposer, Cornélia ? Jamais ! Je ne veux pas de la fortune, si la fortune doit nous conduire à l’oisiveté. Penses-tu donc que tu aies le droit de laisser sans emploi les talents dont la nature t’a si largement gratifiée ? Imagines-tu que je puisse vivre les bras croisés, au risque de compromettre le jeu de mes propres articulations ? Vois-tu Jean abandonnant ses exercices d’équilibriste, Napoléone ne dansant plus sur la corde raide avec ou sans balancier, Sandre ne figurant plus au sommet de la pyramide humaine, et Clou, lui-même, n’empochant plus sa demi-douzaine de soufflets à la minute pour le plus grand agrément du public ? Non, Cornélia ! Dis-moi que le