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césar cascabel.

signal d’arrêt, si la solidité du champ ne lui eût paru très gravement attaquée.

« Coûte que coûte, dit-il, il faut que nous arrivions aujourd’hui même à l’îlot Diomède, quitte à y demeurer jusqu’à la prochaine reprise du froid !

À quelle distance pensez-vous que nous en soyons ? demanda Jean.

À une lieue et demie environ, Jean. Puisqu’il nous reste encore deux heures de jour, ou plutôt de cette demi-clarté qui permet de nous maintenir en direction, faisons tous nos efforts pour arriver avant que l’obscurité soit complète.

— Monsieur Serge, voulez-vous que je me porte en avant, afin de reconnaître la position de l’îlot ?…

— Non, Jean, non ! Tu risquerais de t’égarer au milieu de cette tourmente, et ce serait une bien autre complication ! Tâchons de nous guider sur la boussole, car si nous dépassions l’îlot Diomède soit au-dessus, soit au-dessous, je ne sais ce que nous deviendrions…

— Entendez-vous, monsieur Serge ? » s’écria Jean, qui venait de se baisser.

M. Serge l’imita et put constater que de sourds craquements, reproduisant le bruit du verre qui se brise, couraient à travers l’ice-field. Était-ce l’indice, sinon d’une débâcle, du moins d’une désagrégation partielle ? Malgré cela, aucune fissure n’en étoilait la surface, si loin que la vue pût s’étendre.

La situation était devenue extrêmement périlleuse. À passer la nuit dans ces conditions, les voyageurs risquaient d’être victimes de quelque catastrophe. L’îlot Diomède, c’était le seul refuge qui leur fût offert, et il fallait y aborder à tout prix. Combien M. Serge dut regretter de ne pas avoir patienté quelques jours de plus à Port-Clarence !

Jean et lui revinrent près de l’attelage, et M. Cascabel fut mis au courant de la situation. Il n’y avait pas lieu d’en faire connaître