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hivernage.

avenir était réservé à cette famille, au pouvoir d’une tribu sauvage, sur les dernières limites du monde connu ?

En effet, les exigences de Tchou-Tchouk ne paraissaient pas devoir se modifier. Ses prisonniers, il ne les relâcherait point sans rançon, et il ne semblait guère qu’un secours pût leur venir du dehors. Quant à l’argent réclamé par ce rapace souverain des Liakhoff, comment arriverait-on à se le procurer ?

Il est vrai, les Cascabel possédaient un trésor — sans le savoir. C’était la pépite, la fameuse pépite du jeune Sandre — du moins le gamin n’avait aucun doute au sujet de sa valeur. Lorsque personne ne le voyait, il la tirait de sa cachette, il la contemplait, il la frottait, il la polissait. Certes, il n’eût point hésité à la sacrifier pour désintéresser Tchou-Tchouk et racheter sa famille. Mais un morceau d’or, sous cette forme et cette apparence de caillou, jamais le « Chou-Chou » de son père n’eût voulu l’accepter pour de l’argent comptant. Aussi, Sandre s’en tenait-il à son idée d’attendre le retour en Europe, et là, il saurait bien changer sa pépite contre du bon or monnayé, qui remplacerait avantageusement les dollars volés en Amérique !

Rien de mieux, en somme, si ce retour en Europe pouvait jamais être effectué. Or, il n’y avait pas apparence qu’il fût proche ! Et c’est bien ce dont se préoccupaient les deux malfaiteurs, que la mauvaise fortune avait jetés sur le chemin de la famille Cascabel.

Un jour — 23 janvier —, Ortik se présenta à la Belle-Roulotte, afin de s’entretenir avec M. Serge, Jean et son père, à propos de leur rapatriement. En réalité, son but était de savoir ce que les prisonniers comptaient faire pour le cas où Tchou-Tchouk leur permettrait de quitter l’île Kotelnyï.

Et tout d’abord :

« Monsieur Serge, demanda-t-il, lorsque vous êtes parti de Port-Clarence, votre intention était-elle d’hiverner en Sibérie ?

— Oui, répondit M. Serge, il était convenu que nous chercherions à atteindre quelque bourgade, où nous séjournerions jusqu’à la belle saison. Pourquoi me demandez-vous cela, Ortik ?