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dénouement très applaudi des spectateurs.

digestion pénible, son bâillement se terminerait par un éclat de sanglots ou de rire.

Comme toute pièce bien charpentée, celle-ci était claire, rapide, simplement conçue, simplement conduite. Les faits s’y succédaient logiquement. C’est au point qu’on pouvait se demander « si ce n’était pas arrivé ! »

Qu’on en juge par ce compte-rendu, que la plupart des critiques pourraient prendre pour modèle.

C’était l’histoire très dramatisée de deux amoureux qui s’adoraient. Pour la commodité du récit, sachez que Napoléone jouait la jeune fille et que Sandre jouait le jeune homme. Malheureusement, Sandre est pauvre, et la mère de Napoléone, la hautaine Cornélia, ne veut pas entendre parler de ce mariage.

Ce qu’il y a de tout à fait neuf, c’est que ces amours sont contrariées par la présence d’un grand dadais, Clou-de-Girofle, aussi riche d’argent que pauvre d’esprit, lequel est amoureux de Napoléone et veut l’épouser. Et — là peut-être éclate le génie inventif de l’auteur — la mère, qui tient aux écus, ne demande pas mieux que de lui donner sa fille.

Il serait vraiment difficile d’engager plus adroitement une action et de la rendre plus intéressante. Il va de soi que cet imbécile de Clou ne peut pas ouvrir la bouche sans dire une sottise. Il est ridicule de sa personne, mal dégauchi, avec un nez long de cela, qu’il a l’habitude de fourrer partout. Et, lorsqu’il arrive avec ses cadeaux de noces, le singe John Bull, grimaçant à plein museau, et Jako, le perroquet — le seul de tous les artistes qui parle dans la pièce —, c’est vraiment à se tordre.

Cependant ces rires se taisent bientôt devant la profonde douleur des deux jeunes gens, qui ne peuvent se voir qu’en secret, ce qu’on appelle « à la dérobée ».

Et précisément, on est arrivé au jour de ce mariage que Cornélia a imposé à sa fille. Napoléone a revêtu ses plus beaux atours, mais toute pleurante, toute désespérée ! Et c’est vraiment odieux, de