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à travers le caribou.

Et cependant, si considérable que fût le rendement de cette vallée aurifère, trop de gens étaient accourus pour l’exploiter. Aussi, par suite de l’accumulation des chercheurs et de toute la tourbe qu’ils entraînent avec eux, la vie y devint bientôt extrêmement difficile, sans parler du prodigieux enchérissement de toutes choses. La nourriture était hors de prix, le pain à un dollar la livre. Des maladies contagieuses se développèrent en ce milieu malsain. Et finalement, ce fut la misère, puis la mort, pour la plupart de ceux qui visitèrent le Caribou. N’était-ce pas ce qui s’était passé, quelques années avant, en Australie et en Californie ?

« Père, dit alors Napoléone, ce serait pourtant bien gentil de trouver un gros morceau d’or sur notre route !

— Et qu’en ferais-tu, mignonne ?

— Ce qu’elle en ferait ? répondit Cornélia. Elle le remettrait à petite mère, qui saurait vite le changer contre sa valeur en belle monnaie !

— Eh bien, cherchons, dit Clou, et, très certainement, nous finirons par trouver, à moins que…

À moins que nous ne trouvions pas, vas-tu dire ? répliqua Jean. Et, c’est précisément ce qui arrivera, mon pauvre Clou, car la caisse est vide… archivide !

— Bon !… bon !… répliqua Sandre, on verra bien !…

— Halte-là, enfants ! dit aussitôt M. Cascabel de sa voix la plus emphatique. Défense est faite de s’enrichir de cette façon ! De l’or recueilli sur un territoire anglais… Fi donc !… Passons, passons vite, sans nous arrêter, sans nous abaisser à ramasser une pépite, fût-elle grosse comme la tête à Clou ! Et arrivés à la frontière, même s’il ne s’y trouve point de pancarte avec ces mots : « Essuyez vos pieds, S.V.P., » nous les essuierons, enfants, pour ne rien emporter de cette terre colombienne ! »

Toujours le même, César Cascabel ! Mais qu’il se calme ! Il est probable que personne des siens n’aura l’occasion de ramasser la moindre pépite !