Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/123

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Notre mauvaise fortune nous a conduits à l’Hôtel Slave, qui est très inférieur à notre dining-car — au moins pour la qualité de ses menus. Il y eut, en particulier, un potage national, le « borchtch », préparé avec du lait aigri, que je me garderai bien de recommander aux gourmets du XXe Siècle.

À propos de mon journal, et cette dépêche relative au mandarin que notre train « convoie » dans la funèbre acception du mot ?… Popof aura-t-il obtenu des muets qui le veillent le nom de ce haut personnage ?

Oui, enfin ! Et à peine sommes-nous sur le quai de la gare qu’il accourt vers moi, disant :

« Je sais le nom.

— Et c’est ?…

— Yen-Lou… le grand mandarin Yen-Lou, de Pékin.

— Merci, Popof ! »

Je me précipite vers le bureau du télégraphe, d’où j’expédie au XXe Siècle ce télégramme :

Merv, 16 mai, 7 heures soir.

Train Grand-Transasiatique va quitter Merv. Pris à Douchak corps de grand mandarin Yen-Lou venant de Perse à destination Pékin.

Très élevé le coût de cette dépêche, mais, on le reconnaîtra, elle vaut son prix.

Le nom de Yen-Lou s’est aussitôt répandu parmi nos compagnons de voyage, et il m’a bien semblé que le seigneur Faruskiar souriait en l’entendant prononcer.

Nous avons quitté la gare à huit heures du soir exactement. Quarante minutes après, nous passions près du vieux Merv, et, la nuit étant sombre, je n’ai rien pu en apercevoir. Il y a là, pourtant, une forteresse avec tours carrées et enceinte de briques cuites au soleil, des ruines de tombeaux et de palais, des restes de mosquées, tout un