Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/90

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sans avoir été entendu de mes compagnons, sans avoir éveillé personne.

Me voici sur la plate-forme devant la passerelle, qui tremblote aux ressauts du train. Au milieu de l’insondable obscurité, dont s’enveloppe le Kara-Koum, j’éprouve l’impression que donne l’immensité nocturne de la mer autour d’un navire.

Une faible lumière filtre à travers les persiennes de la logette. Dois-je attendre qu’elle soit éteinte, ou, ce qui est plus probable, ne durera-t-elle pas jusqu’au jour ?…

En tout cas, Popof n’est pas endormi, — ce que je reconnais au bruit qu’il fait en se retournant. Je me tiens coi, appuyé sur la balustrade de la plate-forme.

En me penchant, mes regards s’attachent à cette traînée lumineuse que le fanal de tête projette en avant de la machine. Il semble que nous courions sur un chemin de feu. Au-dessus de moi, les nuages chassent en désordre avec une extrême rapidité, et quelques constellations étincellent à travers leurs déchirures, ici Cassiopée, la Petite Ourse dans le nord, au zénith, Véga de la Lyre.

Enfin un silence absolu règne d’une plate-forme à l’autre. Popof, bien qu’il soit chargé de veiller sur le personnel du train, a les yeux clos par le sommeil.

Assuré de toute sécurité, je franchis la passerelle, et me voici devant la porte du fourgon.

Cette porte n’est fermée qu’au moyen d’un barreau, qui bascule entre deux ferrures.

Je l’ouvre et la repousse derrière moi.

Cette manœuvre s’est faite sans bruit, car, si je ne veux pas attirer l’attention de Popof, je ne veux pas davantage attirer l’attention de mon « encagé volontaire ».

Bien que l’obscurité soit profonde à l’intérieur du fourgon, puisqu’il n’existe aucune fenêtre latérale, je parviens à m’orienter. Je sais où est placée la caisse ; c’est à l’angle de gauche en entrant. L’essentiel est de ne point me heurter à quelque colis, d’autant plus que