Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/118

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avec une rapidité croissante, comme si elle eût été soumise aux lois de la chute des corps.

Il y eut lieu de croire, néanmoins, que cet emballement allait finir, — de façon désastreuse, il est vrai, — lorsque l’attelage enfila la calle de Olivar.

En effet, vers le milieu de cette rue très en pente, est ménagé un escalier d’une quinzaine de marches, et si rue n’est point carrossable, c’est bien celle-là.

Les clameurs redoublèrent alors, auxquelles se joignirent les aboiements des chiens. Bah ! si violentes qu’elles fussent, les mules ne s’inquiétaient guère de quelques marches ! Et voici les roues de la galera qui s’engagent sur l’escalier, cahotant la caisse à la disloquer, à mettre le véhicule en pièces…

Eh bien non ! elles ne se rompirent pas. L’avant-train resta fixé à l’arrière-train malgré ces chocs multipliés, la caisse résista, les brancards résistèrent, et les deux mains de Clovis Dardentor ne lâchèrent point les guides pendant cette dégringolade extraordinaire !

Et derrière la galera s’amassait une foule de plus en plus nombreuse, dans laquelle Marcel Lornans, Jean Taconnat, le cicerone, le cocher, toujours en arrière, ne figuraient pas encore.

Après la calle de Olivar, ce fut la calle de San Miguel, à laquelle succède la plaza de Abastos, où l’une des mules, après être tombée, se releva saine et sauve, puis la calle de la Plateria, puis la plaza de Sainte-Eulalie.

« Il est évident, se dit Clovis Dardentor, que la galera ira ainsi jusqu’à ce que le terrain lui manque, et je ne vois guère que la baie de Palma où il puisse lui manquer définitivement ! »

Sur la place Sainte-Eulalie s’élève l’église dédiée à cette martyre, qui est, pour les Baléariens, l’objet d’une vénération particulière. Il n’y avait pas longtemps, ladite église servait même de lieu d’asile, et les malfaiteurs qui parvenaient à s’y réfugier échappaient aux griffes de la police.

Cette fois, ce ne fut pas un malfaiteur que sa bonne chance y