Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/142

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« Monsieur a-t-il des ordres à me donner ?…

— Des ordres… non, mais je te donne « campo » toute la journée ! Campe-toi ça dans la cervelle, et ne rapplique qu’au coup de dix heures ! »

Moue dédaigneuse de Patrice, qui ne sut aucunement gré à son maître de ce congé accordé en de pareils termes.

« Ainsi, monsieur ne désire pas que je l’accompagne ?…

— Ce que je désire, Patrice, c’est ne point t’avoir sur mes talons, et je te prie de me tourner les tiens !

— Monsieur me permettra peut-être de lui faire une recommandation…

— Oui… si tu disparais après l’avoir faite.

— Eh bien ! le conseil dont Monsieur voudra bien tenir compte, c’est de ne plus monter dans une voiture avant que le cocher soit sur son siège… Cela pourrait ne pas finir par une bénédiction, mais par une culbute…

— Retourne au diable ! »

Et Clovis Dardentor descendit le perron de l’hôtel, entre les deux Parisiens.

« Un bon type de domestique que vous avez là ! dit Marcel Lornans. Quelle correction… quelle distinction…

— Et quel raseur avec ses manières ! Mais c’est un garçon honnête, qui se flanquerait dans le feu pour me sauver…

— Il ne serait pas le seul, monsieur Dardentor, » s’écria Jean Taconnat, qui, le cas échéant, eût tenté de souffler à Patrice ce rôle de sauveteur.

Pendant cette matinée, Clovis Dardentor et les deux cousins déambulèrent le long des quais de la basse ville. Le port d’Oran a été conquis sur la mer. Une longue jetée le couvre, et des jetées transversales le divisent en bassins, — le tout sur une superficie de vingt-quatre hectares.

Si les deux jeunes cousins ne prirent point grand goût au mouvement commercial, qui donne à Oran le premier rang entre les villes