Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/180

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— Chut… Jean !… On pourrait t’entendre…

— Et quand on m’entendrait, qu’apprendrait-on qui ne soit su déjà ?… Est-ce que ce n’est pas visible comme la lune à un mètre ?… Est-ce qu’il faut la lunette de M. Oriental pour te voir graviter ?… Est-ce que Mme Elissane ne commence pas à s’en inquiéter ?… Est-ce que les Désirandelle père, mère et fils ne voudraient pas que tu fusses aux cinq cents diables ?

— Tu exagères, Jean !…

— Point !… Il n’y a que M. Dardentor à l’ignorer, et peut-être aussi Mlle Elissane…

— Elle ?… Tu crois ?… demanda vivement Marcel Lornans.

— Bon… calme-toi, monsieur l’asphyxié d’hier ! Est-ce qu’une jeune fille peut se tromper à certains petits battements qui agitent son petit cœur ?…

— Jean !…

— Quant au dédain qu’elle éprouve pour ce chef-d’œuvre des Désirandelle qui répond au nom d’Agathocle…

— Sais-tu, mon pauvre ami Jean, que je suis devenu fou de Mlle Louise…

— Fou, c’est le mot, car où cela te mènera-t-il ?… Que Mlle Elissane soit ravissante, c’est l’évidence même, et je l’aurais adorée tout aussi bien que toi ! Mais elle est promise, et, si l’inclination n’est pas dans ce mariage, les convenances y sont, et aussi les gros sous, et le désir des parents d’un bord comme de l’autre ! C’est un édifice dont on a jeté les bases depuis l’enfance des fiancés, et tu te figures que tu vas le renverser d’un souffle…

— Je ne me figure rien, et je laisse aller les choses…

— Eh bien !… tu as un tort, Marcel.

— Lequel ?…

— Le tort d’abandonner nos premiers projets.

— J’aime mieux te laisser la place libre, Jean !

— Et, cependant, Marcel, réfléchis donc ! Si tu arrivais à te faire adopter…